Depuis quelques années, une idée s’est imposée dans les discours autour du travail :
le salariat serait une étape transitoire.
Un entre-deux.
Quelque chose dont il faudrait, tôt ou tard, s’extraire.
Rester salarié serait alors le signe :
- d’un manque d’audace
- d’une peur du risque
- ou d’une absence de vision
Cette lecture est séduisante.
Elle est aussi largement simplificatrice.
Car elle oublie une chose essentielle :
👉 le rapport au travail n’est pas universel, et encore moins hiérarchisable.
Le salariat n’est pas un “non-choix”
On parle souvent du salariat comme d’un état subi.
Comme si personne ne pouvait, consciemment, décider d’y rester.
Or, dans la réalité, beaucoup de personnes choisissent le salariat :
- pour la stabilité qu’il apporte
- pour la clarté des rôles
- pour la séparation plus nette entre vie professionnelle et vie personnelle
- pour le cadre collectif
Ce n’est pas un renoncement.
C’est une préférence fonctionnelle.
Le travail n’est pas seulement un espace d’expression personnelle.
C’est aussi un dispositif d’organisation de la vie.
Et pour certains profils, le salariat remplit parfaitement cette fonction.
Pourquoi l’indépendance n’est pas adaptée à tous les profils
L’entrepreneuriat et le freelancing sont souvent présentés comme des chemins de liberté.
Mais cette liberté a un coût rarement mis en avant.
Être à son compte, c’est :
- porter seul la responsabilité économique
- arbitrer en permanence
- vivre avec une incertitude structurelle
- internaliser la pression des résultats
Ce mode de fonctionnement suppose une tolérance élevée au stress, une forte capacité d’auto-régulation et une frontière mentale solide entre travail et identité personnelle.
Or, tous les individus ne disposent pas ou ne souhaitent pas mobiliser ces ressources en continu.
👉 Ne pas s’épanouir dans l’indépendance ne signifie pas manquer de compétence.
👉 Cela signifie simplement que le cadre ne correspond pas.
Revenir au salariat après le freelance : une trajectoire normale
Il existe encore une forme de tabou autour du retour en entreprise après une expérience en freelance ou en entrepreneuriat.
Comme si revenir était synonyme de recul, d’echec.
Comme si l’on “abandonnait”.
En réalité, ces trajectoires sont de plus en plus fréquentes.
Elles traduisent souvent :
- une meilleure connaissance de soi
- une réévaluation des priorités
- une recherche d’équilibre
Tester un modèle, constater qu’il ne convient pas, puis en choisir un autre n’est pas un échec.
C’est un processus d’ajustement.
Dans un monde du travail instable, la capacité à se repositionner est une forme de maturité, pas de faiblesse.
Le discours anxiogène autour du salariat
Une grande partie des contenus diffusés sur les réseaux sociaux repose sur une mécanique simple :
créer une insatisfaction là où il n’y en avait pas.
On oppose :
- liberté vs aliénation
- indépendance vs soumission
- ambition vs confort
Mais cette opposition est artificielle.
Elle repose sur une vision très normative de la réussite, souvent portée par des profils pour qui l’autonomie extrême fonctionne et qui en font une généralité.
Le problème n’est pas de valoriser l’entrepreneuriat.
Le problème est de dévaloriser systématiquement le reste.
La vraie variable : la work-life balance
Lorsqu’on met de côté les statuts, une question reste centrale :
👉 comment le travail s’inscrit-il dans la vie globale ?
Un emploi peut être épanouissant ou destructeur,
qu’il soit salarié ou indépendant.
Ce qui fait la différence, ce sont :
- la charge mentale
- la porosité entre vie pro et vie perso
- le niveau de pression intériorisée
- la capacité à récupérer
Certaines personnes trouvent cet équilibre dans un cadre salarié clair et sécurisé.
D’autres dans l’autonomie totale.
👉 L’équilibre ne dépend pas du statut, mais de l’ajustement entre le travail et la personne.
Chacun son rapport au travail
Il n’existe pas une seule manière “éclairée” de travailler.
Il existe des configurations plus ou moins adaptées à des profils différents.
Vouloir rester salarié peut être :
- un choix rationnel
- un choix protecteur
- un choix aligné
Et parfois, le choix le plus sain consiste simplement à ne pas compliquer ce qui fonctionne.
Pour conclure
Le salariat n’est pas une prison par essence.
L’indépendance n’est pas une libération automatique.
Entre les deux, il y a des individus, des corps, des rythmes, des histoires personnelles.
Et peut-être que la vraie émancipation professionnelle commence là :
👉 arrêter de hiérarchiser les choix de vie,
👉 et remettre l’équilibre au centre.



